mercredi 28 décembre 2011

C'est pas ma faute à moi!

L'élève est un être plein d'énergie et plein de ressource. En une heure de cours, il est capable:
- de fabriquer tout un arsenal de projectiles
- de concevoir l'outil le mieux adapté pour les lancer
- de casser une chaise rien qu'en se balançant avec
- de poursuivre une conversation entamée dans le couloir, même si son interlocuteur se trouve à l'autre bout de la salle (car prenez note que l'élève ne parle pas: il HUUUUUURLE)
- de jeter le contenu de sa trousse par terre
- de ramper sous toutes les tables pour récupérer le contenu de ladite trousse
- de se rappeler in extremis que c'est Julie qui a le stylo de Cédric et de se proposer d'arpenter la salle pour rendre le stylo à son propriétaire

En gros, l'élève a inventé un superbe verbe du 4ème groupe: bordéliser. Et nombreux sont les profs bordélisés. Nous le sommes tous un jour. Ceux qui disent que non vous mentent, ou le seront très bientôt.
Sauf que pour la plupart des gens, la plupart des profs ET la plupart des élèves, un prof ne devrait pas être bordélisé. S'il l'est, c'est que c'est un mauvais prof "qui n'a pas d'autorité" (ah, un gros mot pour moi, ça, l'autorité, j'y reviendrai...). Donc quand tu débutes ta carrière, tu paniques à l'idée même d'être bordélisé! Avant même d'être devant les élèves, tu flippes à l'idée qu'un bavardage puisse s'élever dans ta sacro-sainte salle de classe.
Et lorsque ça arrive... c'est le drame, tu t'effondres en larmes, ressors ton ordonnance de Lexomil et te demandes ce que tu as raté.

Parce que oui, l'IUFM ne ratera pas une occasion de te le rappeler: si tes élèves sont indisciplinés, irrespectueux, n'écoutent pas, bavardent et se fichent royalement des beautés du subjonctif imparfait, c'est de TA faute! c'est TON cours qui est mal fait, c'est TOI a fait une erreur. C'est TOI qui est MAUVAIS ! Le bon prof doit se remettre en question (et les élèves jamais, bien sûr, pauvres chéris).

STOP!

Je me rappelle d'une formatrice IUFM qui avait dit si tu faisais bien ton travail, il ne devait pas y avoir de bavardage dans ta classe, d'ailleurs elle n'en avait jamais dans la sienne.
MYTHOOOOOOO!
Avant de se lancer dans l'auto-lynchage, il faut quand même rappeler que si les élèves se conduisent n'importe comment, c'est peut-être parce que ce sont des créatures infernales que même leurs propres parents ne peuvent parfois plus supporter (ne niez pas!) et pas parce que le prof est incompétent. On ne les force pas non plus à se croire au café du commerce. Alors, oui il existe des cours plus efficaces que d'autres pour captiver les élèves et éviter les bavardages incontrôlables, oui il faut se remettre en question lorsque ça ne va pas, mais mettre tout sur le dos du prof qui n'est pas fichu de contrôler sa classe, ça va cinq minutes! Ils disaient quoi, les inspecteurs, à l'accueil des stagiaires? "Si vous n'êtes pas sûrs, sûrs, sûrs, absolument sûrs d'être fait pour ce travail, autant démissionner tout de suite" ("et si vous ne le savez pas encore, nous nous chargerons de vous le faire comprendre dès que vos élèves auront le moindre signe de relâchement en vous rabâchant que c'est VOTRE FAUTE! Et n'attendez surtout pas d'aide ou du soutien puisque c'est VOUS les responsables")

Je suis une mauvaise prof: si mes élèves sont bavards et indisciplinés, c'est parce qu'ils ne savent pas se tenir. Et je le leur dis.

D'ailleurs ils le savent.
Mélu: Alors, quels sont les problèmes dont vous voudriez parler au conseil de classe?
Les 6èmes: En Anglais, il y a trop de bruit, on n'arrive pas à travailler.
Mélu: Comment ça? Du bruit dehors? Dans la salle d'à côté?
Les 6èmes: Non, dans notre salle.
Mélu: Mais qui fait du bruit?
Les 6èmes: Ba c'est nous!

WTF?!

Heureusement, en salle des profs, il y a aussi beaucoup de mauvais profs, qui te confirmeront que ces élèves ont besoin qu'on leur rappelle les règles de base de politesse et que tes cours sont très bien. Ça t'évitera de te ruiner en thérapie.

mardi 20 décembre 2011

Dans la peau d'un prof

Parce qu'il faut le rappeler quand même. La veille, tu es un étudiant insouciant à traiter tous tes profs de tous les noms, à te tâter si tu vas faire l'effort de venir en cours ou pas, à te lamenter parce que tu bûches sur tes partiels. Tu fais tes lessives le week-end chez maman, tu te lèves à midi, tu manges saucisse-frites-pizza-McDo, tu pompes tes exposés sur internet.

ET UN JOUR, CE FUT LE PREMIER SEPTEMBRE...

Et tu es prof. Censé exiger de tes élèves tout ce que tu t'es appliqué à ne pas faire depuis plus de dix ans.
Et essayer aussi de leur apprendre quelque chose.
Sauf que tu ne sais pas comment faire.
Parce que ta formation commence le 5 septembre. Et ouais, c'est ballot.

Je tiens quand même à rappeler que je fais partie de l'ancienne génération de profs, ceux qui avait une formation certes discutable mais qui avait au moins le mérite d'exister et de nous permettre de souffler et de faire une bonne thérapie de groupe deux jours par semaine.

Objectif: ne pas passer pour un débutant qui n'y connaît rien devant des élèves qui verront là une excellente occasion de transformer la salle de classe en annexe de la cour de récréation.
Objectif n°2 : ne pas passer toi-même pour un élève (si tu as la chance de travailler en lycée ou si comme moi tu fais moins que ton âge et qu'un mètre soixante).

Quand tu entres en salle des profs, tu as vaguement l'impression d'un flottement, avant que les collègues comprennent que tu es "le/la stagiaire" et pas un élève de terminale s'est trompé de porte. Tu les écoutes parler des élèves de l'an dernier que tu n'as pas eus, des résultats des examens que tu n'as pas corrigés, de leurs enfants que toi tu n'as pas encore (et que tu n'es pas près d'avoir vu que le jeu des mutations t'a exilé à 200 kilomètres de ton/ta moitié(e)).

... un grand moment de solitude...
Et c'est ce jour-là que tu réalises qu'il faudra tous les jours endosser un costume de prof pour faire ton numéro. Parce que tu as beau avoir à peine plus de vingt ans, tu es passé dans le camp des "vieux". Les "jeunes", maintenant, c'est eux, les vingt-cinq (dans un monde parfait, hein, parce que souvent il faut en rajouter dix) noms que tu vois sur la liste et que tu t'entraînes à prononcer pour éviter de ruiner ton autorité dès le départ en écorchant un nom.

Je suis une mauvaise prof. A mon premier jour, j'ai écorché le prénom d'un élève de 4ème. Fou-rire général. J'ai passé une année horrible avec cette classe. En plus, on m'a confondue avec une élève de 5ème. VDM.

samedi 17 décembre 2011

Avant d'être prof, j'ai fait des études

Et plutôt longues. Un Bac + 4 en littérature moderne, anciennement appelé maîtrise, et avec une mention "très bien" s'il vous plaît!

Et oui, je me la raconte.

Si je vous dit cela, c'est que vous compreniez avec quelle naïveté (encore!) et quels espoirs j'ai abordé ce fameux CAPES et cette fameuse agrégation, sésames pour me donner accès à une salle de classe. Car jusque devant ma feuille d'examen, j'ai cru que j'étais là dans le Temple de la Littérature.

J'en veux pour preuve le sujet de dissertation de littérature, épreuve principale du concours, proposé au CAPES (qui, comme son nom l'indique, Certifie l'Aptitude Professionnelle à l'Enseignement Secondaire) auquel j'ai été reçue:

Discutez l'affirmation suivante: "Il n’y a poésie qu’autant qu’il y a méditation sur le langage, et à chaque pas réinvention de ce langage. Ce qui implique de briser les cadres fixes du langage, les règles de la grammaire, les lois du discours. C’est bien ce qui a mené les poètes si loin dans le chemin de la liberté, et c’est cette liberté qui me fait m’avancer dans la voie de la rigueur, cette liberté véritable."



Aaaah je jubile! La poésie, la recherche sur le langage, la réinvention du langage... Eh oui, j'ai été recrutée sur ma capacité à disserter langage poétique. Enfin, on valorisait mes compétences en matière de littérature.

A l'oral, j'ai eu un peu peur devant la fameuse épreuve sur dossier, surnommé épreuve didactique. Une vraie épreuve de prof, me direz-vous. Elle consiste à discuter de la pertinence de documents pédagogiques (pages d'exercices tirés de manuels scolaires par exemple).

Question d'une mauvaise prof: si ces manuels scolaire sont d'une pertinence discutable, pourquoi sont-ils en circulation dans les établissements scolaires et qu'ont donc fait les six ou dix collègues cités comme auteurs sur la première page ?
S'ils sont pertinents, qu'y a-t-il à "discuter" dans cette épreuve? Il faut juste faire l'apologie du manuel?

Résultat: j'ai eu 5 /20 à l'épreuve de didactique.
Comme quoi, j'étais déjà une mauvaise prof.
Mais j'ai été recrutée quand même! Normal: j'étais recrutée en tant que bonne littéraire et cela, indéniablement, je l'étais.

Je suis une mauvaise prof, mais une bonne littéraire.

jeudi 15 décembre 2011

Prof, une vocation...

Quand j'étais petite, j'ai voulu être superstar de la chanson, puis vétérinaire, et enfin prof.

En classe de 1ère L, j'ai été tellement séduite par la littérature et par l'émulation littéraire que j'ai voulu faire la même chose: parler de littérature à des gens et leur montrer à quel point elle est belle.
J'ai voulu devenir prof parce que j'aimais les Belles Lettres. Et pendant longtemps, j'ai cru, comme je l'avais vu dans ma classe de 1ère L, qu'en devenant prof, je ferai partager ma passion comme j'ai partagé celles de mes professeurs.

Aaaaa naïveté...

J'avais juste oublié deux ou trois petites choses:

- il n'y a pas que des 1ère L dans les classes. Donc pas que des littéraires.

- avant la 1ère, il y a la seconde, et toutes les classes de collège, beaucoup moins bienveillantes que je l'étais comme élève.

- MOI j'adore lire. OR certaines personnes n'aiment pas ça. C'est pareil pour les élèves.

- MOI je sais lire. Ce n'est pas non plus le cas de tous les élèves.

- les élèves n'aiment pas l'école.

Oui, naïve. Moi qui espérais que Maupassant et Dumas les convaincraient pour moi, qu'ils seraient sensibles à l'intrigante complexité de la construction verbale et de l'accord du participe passé, qu'ils se précipiteraient sur les rédactions dans la joie et la bonne humeur, impatient de coucher sur le papier leur imagination débordante...

Et oui, naïve.

dimanche 11 décembre 2011

Je suis une mauvaise prof

J'ai vingt-cinq ans et je suis déjà un vieille prof. Blasée par mon boulot. Je n'enseigne pourtant que depuis quatre ans. Même pas en ZEP. Même pas dans des classes difficiles. Et ça ne se passe même pas mal dans mes classes (si vous demandez à mes chefs d'établissement, ou à mes élèves, il est même possible qu'ils trouvent que je suis plutôt une bonne prof).

Mais maintenant que j'ai un peu de recul sur mon travail, il y a tellement de choses qui m'étonnent, tous les jours, dans mon travail, qu'il y a forcément un truc entre mon métier et moi qui ne s'accorde pas.

Alors, je me suis dit que j'allais le bloguer.
Parce que beaucoup de profs autour de moi sont aussi blasés que moi, et de plus en plus tôt.
Parce que tant qu'on a pas été prof, on ne se rend pas compte de l'absurdité que l'on peut atteindre.
Parce que les anecdotes qui me blasent et me désespèrent font beaucoup rire mon entourage et ils en redemandent, comme si ma salle de classe était un chapiteau de cirque.

Mon travail, c'est d'apprendre aux élèves à mieux parler français, leur donner un peu de culture littéraire et les armer pour comprendre les textes.
Je suis une mauvaise prof parce que je me suis laissée convaincre que je n'y arriverai jamais et je me suis résignée à assister à des choses très étonnantes dans ma classe. Parfois même à un peu de Français. Parfois... eh! bien, je vous laisserai juger...