lundi 25 novembre 2013

Allô docteur!

Il est parvenu à mes petites esgourdes que mes articles sur ce blog se faisaient rares et que j'étais rien qu'une espèce de grosse feignasse de prof. Si-si, ne niez pas, je sais que vous l'avez pensé très fort. Et bien sachez qu'il y a une très bonne raison à cela: j'ai été malade. (et puis après ya eu les vacances.) (Et puis après j'ai eu la flemme).

Mais genre malade, bien comme il faut, genre les gamins sont carrément en danger quand ils sont dans la même pièce que moi, soit par contagion, soit par impossibilité de faire rempart de mon corps en cas de déferlement d'énergie infantile.

Parce que, rappelez-vous, cette joie incroyable quand, à 7h55 le lundi matin, vous appreniez, après dix minutes d'attente fébrile que votre prof de maths préféré était cloué au lit par une grippe carabinée.

L'envers du décor, le voici.

Un mardi matin, je me réveille avec la tête en vrac, la force d'une souris anémique et le temps de réaction d'une limace sous valium.
Petit coup de fil au collège pour leur dire que nos élèves seraient plus en sécurité sous la vigilance  d'un rasta alzeimer qu'avec moi et me voici au chaud pour la journée.

Certains établissements prennent en compte le fait qu'une laryngite carabinée ou même une migraine de compèt' peuvent nous rendre totalement inaptes à travailler avec des enfants. Ils tolèrent donc une demande d'absence pour raisons de santé sans demander de certificat médical, d'une ou deux journées s'ils sont vraiment très cool.

Mais bon: dans mon (nouveau) bahut et ayant un tantinet de conscience quand même, je décide de me rendre chez mon médecin.
Si j'ai une chance insolente, je peux même arriver à le voir dans la journée.

Pour ma part, j'ai eu la chance de toujours tomber sur des médecins relativement compréhensifs et j'ai même réussi à obtenir l'arrêt de travail salvateur une ou deux fois. 
Néanmoins, force est de constater que les médecins ont souvent une drôle de conception de notre métier.

Prof malade: "Bonjour docteur"
Médecin: "Vous êtes visiblement aphone".
Prof malade: "Oui, c'est infernal au travail, mes élèves ne m'entendent plus".
Médecin: "Pas de problème, vous n'avez qu'à écrire au tableau, après tout c'est l'essentiel. Je vous mets cinq jours de cortisone".

Mais bien sûr. En voilà un qui ne s'est pas retrouvé dans une salle close entouré de 26 gamins de treize ans depuis un bon moment. 

Prof malade: "Docteur, je me suis fait opérer du genoux, et je dois rester assise parce que je suis plâtrée jusqu'à la hanche.
Médecin: "Bon, d'habitude je fais des arrêts de travail, mais vous, ce n'est pas la peine, vu que dans votre métier vous êtes assise  toute la journée. Je vous mets quand même cinq jours de cortisone".

(oui, j'ai été étonnée de la fréquence à laquelle les médecins m'ont prescrit de la cortisone ces dernières années.)
Cher médecin, je vous invite cordialement à venir constater que ma chaise est la moins usée de toute la salle. ABATTONS CE PREJUGE: un prof (surtout en collège) ne s'assoit pas. Ne serait-ce que pour surplomber ses élèves et mieux les avoir à l’œil. Je passe mes heures de cours à arpenter la salle. Au point que j'ai demandé à faire retirer des estrades pour éviter de transformer chaque cours en séance de step
Oui, je fais un métier plus physique qu'il n'y paraît.

Mais parfois se produit ce soulagement intense: l'arrêt de travail est signé. Il s'agit maintenant de le remplir et de l'envoyer.
MAIS évidemment, la fonction publique ne fait rien comme tout le monde.
Sur un avis de travail, vous avez toutes sortes d'indications concernant les personnes à qui adresser les différents feuillets. Bien pratique quand vous n'êtes pas arrêté souvent ou que c'est votre première fois. 
Si vous êtes fonctionnaires, il ne faut en respecter aucune: nous ne dépendons pas de la sécurité sociale et n'avons ni médecin conseil ni même médecin du travail d'ailleurs (même pas pour la visite médicale qui a lieu... une fois, à l'embauche).


 Donc on retourne la fiche et on lit l'encadré "fonctionnaire".

Sauf que notre employeur... c'est le rectorat. MAIS-MAIS-MAIS l'arrêt de travail, en fait, est à envoyer au secrétariat de notre établissement. J'ai d'ailleurs posé la question à la secrétaire: le rectorat ne voit jamais ce papier, c'est elle qui se charge de le traiter. Et ça, c'est écrit nulle part. En un mot: démerdez-vous.

Une fois cela réglé, je peux enfin agoniser au fond de mon lit en attendant le retour de toutes mes facultés.

Lorsque je n'ai pas de chance, le docteur tâtonne un peu pour trouver ce qui ne va pas. Il faut dire que quand on bosse avec des enfants, on est tout particulièrement exposé à tous ces satanés virus que les enfants eux-mêmes ramènent à la maison.


Mme Mélu: "Docteur, je tousse depuis huit jours, ça ne passe pas."
Docteur: "Bon, je vous prescris du paracétamol, du sirop pour la toux".

Mme Mélu: "Docteur, je tousse toujours, ça fait deux semaines maintenant".
Docteur: "Etrange. Passons aux antibiotiques".

Mme Mélu: "Docteur, la toux ne s'arrête pas, au bout de trois semaines je commence à avoir mal dans le dos..."
Docteur: "Vraiment bizarre. Allez passer une radio des poumons et faites une prise de sang".

Docteur: "Bon, d'après votre prise de sang, vous avez fait une coqueluche. Je vous prescris donc les médicaments adéquats, même si vous n'êtes plus contagieuse depuis bien deux semaines..."
Mme Mélu: "Je me disais bien aussi qu'un mois à tousser, ça pouvait pas être juste une bronchite..."

La coqueluche. Genre le truc tellement contagieux que tout le monde est censé être vacciné (y compris moi d'ailleurs, qui étais censée l'être). Genre que dans la loi, quand tu l'as, tu es banni de l'établissement à part peut-être si tu portes une clochette.
Alors vu le milieu dans lequel je travaille, j'ai pensé qu'il était courtois et prudent de prévenir mon chef d'établissement, ne serait-ce qu'au cas où il ait remarqué une recrudescence de "bronchites" particulièrement coriaces.

"Ah heu... Bon, surtout, vous ne le dites à personne. Inutile d'affoler tout le monde."

Ah. 

OK.

Bon ben je vais reprendre un peu de cortisone, moi.