lundi 22 avril 2013

La parole est d'or

En ce moment, j'assiste à beaucoup d'oraux. Je m'incruste dans les rapports de stage, je fais le public en oraux de science. J'aime beaucoup: non seulement j'apprends des choses, mais en plus, je vois mes élèves sous un autre jour.
Mais j'avoue que ça dérape souvent.

Elève: "Alors j'ai fait mon stage à la gendarmerie... Ben c'était bien parce que le matin, on ne faisait pas grand-chose, on disait bonjour aux collègues et on buvait le café."

Elève: "Alors, concernant l'infertilité chez la femme, le premier problème, c'est les spermatozoïdes.... Ah non, pardon, c'est pas ça..."

Elève: "J'ai fait mon stage dans une pharmacie. Le premier jour, j'ai prescrit un médicament à un patient".

Elève: "J'ai fait mon stage dans une clinique vétérinaire. Alors le premier jour, on a euthanasié un chien. Le deuxième jour, on a euthanasié un chat. Le troisième jour, on a euthanasié un autre chien... En fait, en une semaine, j'ai vu cinq euthanasie."

Elève: "J'ai fait mon stage dans un laboratoire. Alors, ça c'est un pot pour les analyses de selles, et ça pour les analyses d'urines... Alors pour les analyses de selles, on met sur un papier pour vérifier la couleur...."

Et comme je suis une mauvaise prof, parfois, c'est même de ma faute.

Elève: "J'ai fait mon stage dans un salon de coiffure. J'ai commencé par préparer le café pour les clientes..."
Mme Mélu: "Un salon de coiffure qui sert du café aux clientes?"
Elève: "Oui, madame, il sert aussi du chocolat chaud"
Mme Mélu: "Donne moi l'adresse tout de suite!!!"

Elève: "Et donc pour éviter les insomnies, il vaut mieux faire le soit des activités relaxantes, comme lire ou regarder la télévision."
Mme Mélu: "Mais tu sais, on dit que regarder la télévision, avant de dormir ce n'est pas très bon..."
Elève: "Oui, en fait, il ne faut pas la regarder au lit, le lit doit servir à dormir et rien d'autre."
Mme Mélu: "Tu sais, on peut faire plein de choses dans un lit... Non, c'est pas ce que je voulais dire!"

Trop tard.

lundi 15 avril 2013

On ne m'y reprendra plus...

... et ben si.

Voyez-vous, pour mieux préparer nos élèves à cette épreuve redoutable et redoutée qu'est le Diplôme National du Brevet, nous avons organisé non pas un mais deux brevets blancs.

Petit Flash Back du Brevet Blanc n°1

(lumière d'ambiance, couleur sépia....)
On condamne la salle polyvalente, rebaptisée élégamment "sale peau!" depuis que les surveillants ont pris l'habitude de l'appeler "salle po'" devant des collégiens qui ne font pas toutes les connexions, et que nous connaissons tous sous sa fonction de salle d'étude.
On fait de son mieux pour répartir les élèves qui doivent être en étude dans des salles de classes.
On s'arrange pour faire tenir 114 tables individuelles dans la "sale peau!". Vu la distance d'un demi-double-décimètre entre chaque table, il devient très vite évident que la notion d'"individuelle" est fort surfaite.
En vue de faire commencer l'épreuve de Français (qui dure 3h15, pause comprise) à 13h45, on convoque les élèves à 13h30. Comme on croit encore au Père Noël et à tous les miracles de la Bible réunis, on pense sincèrement réussir à installer 114 élèves à des places désignées, les faire sortir leurs affaires, placer leurs sacs à l'avant de la salle, préparer leurs copies et faire l'appel en 15 minutes top chrono. 
Raté: on distribue les sujets en catastrophe à 13h50 avant de réaliser que les élèves ont toujours leurs sacs à leurs pieds. Et on passe 3 heures à râler que non, ils ne peuvent pas faire circuler leurs blancs/effaceurs/cartouches/règles/dictionnaires/calculatrices (que font ces calculatrices sur les tables pendant la rédaction, je vous le demande...) et que bon sang de ***, le jour de l'épreuve blanche, ils pourraient quand même faire l'effort d'avoir une trousse complète!

Comme nous tirons les leçons de nos expériences, le deuxième brevet blanc s'organise comme suit:

- les élèves sont largement prévenus qu'aucun échange ne serait-ce que d'un trombone ne sera autorisé pendant les épreuves.
- nous réquisitionnons une série de salle de classe pour répartir nos 114 élèves dans 5 salles d'épreuves. Ce qui demande bien évidemment 5 fois plus de surveillants, mais bon: il faut ce qu'il faut. Ce qui demande aussi 5 fois plus de professeurs de Français parce que bon, un professeur de Français, pour faire une dictée, c'est quand même mieux.


Jour J: 2ème Brevet Blanc
Accrochez-vous, c'est sportif.

7h30: le planning de surveillance et de réquisition pour le Brevet Blanc est affiché en salle des professeurs.
7h40: Mr Merlin signale qu'il lui sera difficile de venir installer les 3ème à 13h30 dans la mesure où il a cours de 13h à 14h.
"Pas de panique! " dit Mélu qui soigne son brevet blanc de Français (c'est mon épreuve à moi, quand même!). "Je te remplace pour installer les élèves, tu n'arriveras qu'à 14h!"

13h30: J'installe les 25 élèves prévues dans la salle qui m'est échue. 
13h40: Les consignes sont données, les sacs posés à l'avant, les copies prêtes, l'appel fait. Super Mélu avec un super groupe.
13h42: Brouhaha dans le couloir. Je sors jeter un oeil: le groupe de la salle d'examen d'à côté n'est pas rentré s'installer et poireaute toujours devant la salle. Je jette un oeil sur le planning de surveillance: la collègue chargée de venir à 13h30 au lieu de 14h pour l'appel n'a pas jugé utile de se déplacer. Sympa. En plus, c'est une prof de Français. En plus, de 3ème. Genre, elle peut pas trop prétendre n'être pas concernée, quoi. La notion de conscience professionnelle est elle aussi drôlement surfaite.
"Pas de panique! dit Mélu. "Mon groupe est prêt en avance, je peux prendre 3 minutes pour installer le groupe dans la salle d'à côté".

13h45: le principal adjoint nous apporte les sujets. L'épreuve commence. 
14h00: Mr Merlin arrive et me relève pour la surveillance. Je profite de cette heure libérée (vu que mes élèves sont en examen blanc) pour aller remplir quelques bulletins (et je passe en moins de vingt secondes de "prof de 3ème en examen" à "prof principal de 6ème" et non je suis pas schizophrène). 
14h20: je passe en salle des professeurs et je discute un moment avec mon collègue de Français à propos du sujet de Brevet Blanc que nous avons conçu ensemble.
14h40: je me rends compte que les 2 professeurs de Français de 3ème sont libérés, en salle des professeurs, alors que d'autres collègues ont été envoyés surveiller l'épreuve de Français du Brevet Blanc. Logique imparable. 
14h45: Je retourne dans la salle d'examen pour la dictée.
15h15: Je rédige quelques consignes pour les collègues qui prendront la suite de la surveillance: oui les élèves ont le droit au dictionnaire, non ils n'ont pas droit à l'Iphone et attention: il  y a deux sujets de rédaction AU CHOIX sur le papier ce qui veut dire qu'ils n'en font QU'UN SEUL. On n'est jamais assez clair.
15h20: Je récupère mes 6ème qui m'attendent depuis 20 minutes en étude pour ce qui reste de leur cours.


Le lendemain matin...
8h: J'attends mes 6ème devant ma salle.
8h10 : J'apprends que vu le bazar de réorganisation des cours dû au Brevet Blanc, le chef avait oublié de valider que je prenais les 6ème à 8h. Du coup, ils sont en Maths. J'ouvre un bouquin.

9h: Début de l'épeuve de Maths du Brevet Blanc avec les 3ème. Je surveille pendant 2 heures. Sans relève.
9h30: Je maudis la fameuse "tâche complexe" du sujet de Maths parce que je suis sûre qu'en utilisant un vieux souvenir de théorème qui parle d’hypoténuse, je peux trouver la distance entre les deux lumières sur le schéma, et pourtant je bloque à la dernière étape. J'enrage. Je ferais bien un schéma taille réelle sur une feuille de brouillon, mais si l'élève devant moi me voit faire, elle risque de me copier dessus en pensant que JE SAIS.
9h50: Sonnerie de la récréation. Je ressens une forte envie de café. Je suis complètement conditionnée.
10h05: Sonnerie de la fin de la récréation. Je me sens très seule dans ma salle remplie de matheux avec mon manque de caféine. 
10h30: "Oui, Kevin? "  "Madame, j'ai oublié mon rapporteur..." Pourquoi faut-il que dans une salle d'examen, le seul guignol qui se fasse remarquer alors qu'on a enfoncé tous les clous possibles, c'est un de MES élèves??? Kevin, je vais te jeter par la fenêtre. Et en revenant, s'il te plaît, passe me chercher un café.
11h: Fin de l'épreuve. Je me jette sur les bons élèves pour leur supplier de me montrer comment trouver la distance entre les deux lumières dans la tâche complexe de l'exercice 3.
11h05: Je trouve en salle des profs mon quota de copie de l'épreuve de Français d'hier à corriger. Par curiosité, je jette un oeil sur le tas de rédaction.
La première copie me semble bien longue....
Visiblement, le sens des mots "au choix" n'est pas acquis en 3ème.

lundi 8 avril 2013

Sortez une feuille, dictée!

La dictée fait partie des exercices aussi redoutés que sacralisés. Regardez d'ailleurs autour de vous: la plupart des gens sont d'accord pour dire que l'orthographe, c'est difficile, mais que faire des fautes, quand même, ça craint...

Pour ma part, je la fais descendre un peu de son piédestal et je n'insiste dessus qu'avec les 4ème et les 3ème où elle prend du sens au vu de l'approche de l'examen du brevet où une dictée de vingt lignes notée sur 6 malheureux points fait trembler nombre de collégiens.

Quelle n'a pas été ma surprise, en conseil de classe de 6ème, d'entendre la déléguée des parents d'élèves me dire:
"Les parents trouvent qu'ils ne font pas assez de dictée. Parce qu'ils écrivent mal".

Chère madame. Croyez-vous sincèrement que lorsqu'un élève arrive en 6ème, à douze ans, en faisant trois fautes par mots, une dictée par mois aura un effet miraculeux et le transformera en Bernard Pivot Junior? C'est être bien optimiste... A mon sens, cela ne servira qu'à le fâcher avec sa moyenne et à le faire douter de sa propre langue: il est déjà bien difficile pour eux d'arriver à écrire correctement les mots qu'ils comprennent et utilisent, imaginez une seconde ceux qui leurs sont étrangers.

 Ainsi la phrase "il ne l'avait jamais vu auparavant" devient en copie "il ne l'avait jamais vu au paravent".
Et le verbe "ondoyer" devient "ondouailler" avec une rigueur exemplaire, non?

Mais c'est justement chez les 6ème que les réactions face aux dictées sont les plus violentes.

"Kevin, ça fait trois fois que je répète la phrase et tu ne l'as toujours pas écrite.
- Oui, je sais!
...
- Kevin, tu as deux phrases de retard, à quoi tu joues?
- Oui, nan mais je sais!
...
- Kevin, trois phrases de retard!
- Oui, je sais.
...
- Bon, on a terminé, je relis tous le texte depuis le début. Kevin, profites-en pour rattraper un peu le retard.
- Oui, oui.
...
- Bon, je vous laisse relire tranquillement pour chercher vos fautes.
Kevin lève la main:
- Madame, ya quoi déjà après "princesse"?
Et Mme Mélu qui se retient de jeter Kevin par la fenêtre en constatant qu'il s'est bien arrêté à la première phrase.
Et lors de la correction de ladite dictée:
Kevin: M'dame, pourquoi j'ai zéro? J'ai que 3 fautes!
Le concept même de la dictée semble donc leur échapper.

Au fait, savez-vous quelle est la première question que posent les 6ème, quand on commence la dictée?
-Madame, les fautes d'orthographe, ça compte?