jeudi 17 décembre 2015

C'est comme la confiture...

Les élèves sont cultivés. Si-si. Simplement, ils ont une culture bien à eux. Et ils y tiennent. Ils ne ratent pas une occasion d'ailleurs d'y faire allusion.

Mme Mélu: Quel est le contraire d'une interrogation partielle?
Cindy: Complète?
Jean-Dylan: Entière?
Mme Mélu: Presque. C'est aussi une marque de station-essence...
Kevin: Esso!


Pierre-Lucas: Madame, Renart, c'est normal qu'il tue une poule vu que c'est un Renart. Si c'était une chèvre par contre...
Mme Mélu: Tuer une chèvre est plus grave que tuer une poule?
Melynda: Ben oui madame une chèvre c'est utile! Ca fait du fromage!
Kevin: Du fromage de chèvre? Tu sais si le Caprice des Dieux c'est fait avec du fromage de chèvre?
Enzo: Non, de vache, je crois...

Kevin (à Jean-Dylan): Mais bien sûr! Et mes fesses, c'est du KFC? (constatant que je note cette superbe expression pour la mettre sur ce blog plus tard). Madame, vous savez ce que c'est du KFC ou vous avez besoin que je vous explique?

jeudi 10 décembre 2015

Tas de fainéants!

Un élève de collège, c'est un ado.
Un ado, c'est toujours fatigué. Paraît que c'est la croissance qui veut ça.
Alors parfois, il faut beaucoup, beaucoup les encadrer.

Kevin: Madame, il faut faire quoi sur la feuille?
Mme Mélu: Tu vois les trous dans le texte?
Kevin: Oui...
Mme Mélu: Tu vois la liste de mots à côté?
Kevin: Oui....
Mme Mélu: Tu vois pas un lien possible?
Kevin: Ah ça y est j'ai compris.
Et ne pas s'offusquer de leurs petites ambitions.

Mme Mélu: Prenons un exemple, donnez-moi un verbe très compliqué.
Kevin: Etre?

Mme Mélu: Et n'oubliez pas de soigner votre langage dans la rédaction!
Kevin: Ah mais ça veut dire qu'il faut mettre les points et tout? Oh mais madame, c'est trop dur de mettre des points à la fin de toutes les phrases! 
 Ni de leurs raccourcis verbaux:
Kevin: Madame, je vais jeter mon chewing-gum, il a plus de goût de toute façon!
Mme Mélu: tu pourrais au moins éviter de fanfaronner et faire semblant d'être conscient de ton infraction. Du genre "excusez-moi madame, j'ai oublié de jeter mon chewing-gum en entrant, je vais réparer cela immédiatement si vous le permettez..."
Kevin: C'est pas un peu trop poli?
Et saluons plutôt leur conscience politique stimulée par cette même fainéantise:
Kevin: On va en lire beaucoup, madame, des livres?
Mme Mélu: Les programmes disent d'en lire au moins six par an. C'est la loi.
Kevin: Ah c'est les ministres, ça, les mêmes qui veulent nous enlever des vacances. 

jeudi 3 décembre 2015

Angoisse de la page blanche

Une des parties les plus fastidieuses de mon travail est la correction des rédactions. Il faut dire que juger en même temps du contenu, de la cohérence et de la qualité de langue française est un exercice de haut vol. A la décharge des élèves, mobiliser en même temps toutes ces compétences n'est pas toujours simple: n'est pas Victor Hugo qui veut (ni Marc Lévy d'ailleurs...)
Encore faut-il trouver quelque chose à raconter sur toutes ces lignes!

Il y a les gros manques d'inspiration:
"Un jour, il alla dans la forêt, ramasser des feuilles..."
(C'était peut-être pas la saison des champignons...)

Il y a aussi les très inspirés qui font dans la démesure pour être sûr qu'il se passe quelque chose dans leur prose :
"Le mariage fut désastreux: plus de cinquante morts".
 Il y a surtout ceux qui oublient parfois qu'ils vont être lus et même corrigés par quelqu'un. Quelqu'un qui va peut-être tirer de drôles de conclusion à leur sujet en lisant leurs écrits... Comme lorsqu'ils doivent donner la parole à une jeune actrice juive repérée par les nazis à Berlin en 1933 (vous reconnaitrez le très beau roman de Kressman Taylor Inconnu à cette adresse)

"J'ai le bonheur de t'annoncer que je joue à Berlin. Ma vie est un désastre"

"Je suis poursuivie par les nazis, je viens de me réfugier dans une cave, je n'ai pas mangé depuis trois jours et ma blessure me fait vraiment mal. A part ça, j'espère que tu vas bien".
Mais sur quelle planète vivez-vous?
"Je suis poursuivie par Iclair"
Ah. Pas la Terre visiblement. Chez nous, Adolf, il s'appelait pas tout à fait comme ça.
"PS: j'ai peur."
#cestlamerde


Et pour finir en beauté, le top 3 des meilleurs arguments d'embauche donnés dans les lettres de motivation fictives que je leur ai proposé d'écrire:

N°3: parce que moi aussi j'ai envie de torturer des élèves, j'ai plein d'idées!
N°2: parce que j'aime le nom de votre rue!
N°1: parce que je cherche un truc pas difficile!

vendredi 27 novembre 2015

Brevet des collèges: cuvée 2015

Mieux vaut tard que jamais: le brevet 2015 a eu droit aussi à son lot de jolies formules.
Des grands classiques, mais qui font toujours leur petit effet.

Dans la série des évidences qu'on se demande même pourquoi on nous pose la question:

"Ce qui est désigné par l'expression "les mille repères", c'est tous les mots que le narrateur a dit"

"Le genre narratif est: un texte"

" Enchantement signifie en train de chanter"

"Il entre dans une maison, celle des propriétaires probablement".

Dans la série des protestations comme quoi on parle vraiment pas la même langue:
"La remarque que l'on peut faire sur cette phrase, c'est qu'il y a trop de virgules: une tous les deux mots!"

Dans la série des anxieux, sûr, c'est clair là?:
"On a donc un retour de flash back dans son passé".

Dans la série des rédactions réalistes, très réalistes au détail près:
"Aujourd'hui, je me lève et dans la cuisine je prends le pot de Nutella et je vais regarder Bob l'Eponge"

Dans la série des rédactions utopistes, qui n'en font jamais assez:
"Il décida de construire une ville dans le désert: parc aquatique, tennis, golf, camping, appelé "Camping Paradis" pour que ce soit vendeur et pour se faire connaître, décida de créer sa page sur les réseaux sociaux ainsi que son blog. Il finit par faire le buzz et reçoit un mail du président des USA qui souhaite venir dans son camping".

Dans la série des geek cultivés qui cherchent la connivence du correcteur:
"Bien sûr, ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire comme une DeLorean voyageant dans le temps ou une boite bleue aux mêmes capacités mystérieuses".

"Comme dans les hivers où la neige était reine et le froid roi".

Dans la série des aveux cachés:
"La solitude peut être employée à des choses négatives comme pour piller une maison par exemple".


jeudi 26 novembre 2015

Pour avoir du boulot, il faut remplir nos écoles (dixit La Chef).

Ceci est avant tout un billet d'excuse.
J'ai laissé ce blog à l'abandon depuis le mois de Juillet.
Non, ils ne se sont pas calmés. Enfin, à peine.
Voici mon mot d'excuse: j'ai entamé l'année scolaire 2015-2016 enceinte.

(je vous entends, au fond: "mais elle est tarée! elle va en rajouter un de plus dans les classes, et un gosse de prof en plus, les pires!"
Faut croire que l'effet contraceptif de ce métier a ses limites.

Alors même si ça donne envie, je ne vous parlerai pas de ma superbe conscience professionnelle puisque je suis tombée enceinte mi-juillet (avouez que ça, c'est pro: avec un congé maternité de Février à fin Juin, même en voulant le faire exprès j'y serai pas arrivée) ni du niveau bac + 8 dont j'ai cru avoir besoin pour utiliser correctement un test de grossesse (sérieux, avec des élèves qui ne savent plus écrire leur nom, je crains le pic de dénis de grossesse à venir) (ceci dit, c'est peut-être une idée d'atelier Accompagnement Personnalisé au lycée, à creuser...)

Non, le vrai souci, c'est que mon QI devient inversement proportionnel à mes mensurations. Autrement dit, j'ai des soucis de mémoire et j'ai tendance à dire à  peu près tout ce qui me passe par la tête. Sans filtre. 
Vous me direz, ça me fait un point commun avec Kévin du coup.
(OMG cette année j'ai vraiment un Kévin digne de ce prénom en plus...)

Bref, mon carnet de perles par contre est bien rempli. Et oui, ils sont toujours là. Promis, je vous en reparle très vite.

Et encore désolée.

lundi 6 juillet 2015

Ingéniosité lexicale

Vous le savez, mes élèves aiment réinventer la langue française. Plutôt que de m'en offusquer (on ne s'en sortirait pas), je préfère saluer leur imagination en la matière.

Mme Mélu: Savez-vous ce qu'est une nymphe?
Kevin: Quelqu'un de petit?
Mme Mélu: Pardon?
Kevin: Ben ouais, un nain, une naimphe, non?

D'ailleurs, les verbes en Français, ça mériterait d'être simplifiés. Après le célèbre verbe "croiver" qui permet d'écrire "Ils croivent" ou encore le verbe "boivrer" qui donne "ils boivront", j'ai eu l'honneur d'entendre:

Kevin: Alors j'ai surligné "il pollue" , du verbe "polluvoir".
Bienvenue au palmarès des plus beaux verbes qui n'existent pas, "polluvoir"!

Les mystères du corps humain font aussi des déductions intéressantes:

Kevin: Madaaaaaame! Ca veut dire quoi "rhumatisme"?
Mme Mélu: Ce sont des douleurs aux articulations, généralement liées à l'âge. Ca montre que le personnage est âgé... Brenda, pourquoi tu ris?
Brenda: Parce que je viens de demander à Ophélie ce que ça voulait dire, et elle m'a dit que ça devait avoir un rapport avec le nez.
Mme Mélu: Le nez?
Ophélie: Ben oui, le rhume, quoi...

 Bon, à leur décharge, ils font aussi de gros efforts pour s'exprimer correctement, avec des mots appropriés, même si parfois, ils tombent à côté.

"Suite à un accident, l'homme avait perdu l'utilité de ses jambes..."
Oui, c'est vrai que les jambes, ça ne sert à rien.

vendredi 3 juillet 2015

Fallait pas poser la question! (encore!)

Ce que j'aime encore plus que mes élèves qui sortent des bourdes plus grosses qu'eux, ce sont mes élèves qui me sortent des petites punchlines. Celles qui me renvoient dans les cordes, genre "ta question ne rime à rien".
 
Mme Mélu: Quelqu'un peut-il expliquer ce qu'est une brodeuse? Et s'il vous plaît, sans me dire"c'est quelqu'un qui brode".

Kevin: Quelqu'un qui fait de la broderie?
 Ok. Bien joué Kevin.

Mme Mélu: Attention aux particularité d'orthographe à l'impératif, on a parfois besoin de rétablir la liaison. A l'oral, par exemple, vous ne dites pas "Va-en", que dites-vous?
Kevin: Moi, je dis "barre-toi", c'est plus simple.
Soit. Pas faux, Kevin.

Bon sauf que Kevin, parfois, il aime aussi se prendre la tête pour rien. Il doit être trop intelligent. Oui, ça doit être ça.
Kevin : Madame, dans la question 4, vous demander deux preuves que le texte est une fable, mais on est sûr que c'est bien une fable?
Bon, Kevin, je sais que je suis une mauvaise prof qui adore tester l'esprit critique de ses élèves, mais là, j'ai mes limites.

Mme Mélu: La pièce a pour personnage entre autre Hélène de Troie, la plus belle femme du monde. Comment représenteriez-vous cela sur scène? Quels critères retiendriez-vous?
Kevin: Et ben déjà, le physique...
Soit Kevin. J'imagine que c'est pour le distinguer de la beauté intérieure.

lundi 29 juin 2015

Maturité, maturité, j'ai une gueule de maturité?

Le problème avec les adolescents de nos classes, c'est qu'ils sont grands. Genre, ils commencent à avoir une personnalité, une réflexion, un sens social, civique et moral de leurs responsabilités. Mais ils sont aussi des gamins. C'est justement le principe.
Et ils n'aiment pas qu'on le leur dise. Par exemple, en vie de classe:

Kevin: Madame, la prof d'EPS elle fait de la discrimination envers les garçons!
Mme Mélu: Explique-moi ça Kevin.
Kevin: Ben elle arrête pas de dire qu'on est trop immatures! Qu'on est trop des gamins! Alors déjà, on est tous des gamins, même les filles, et en plus c'est pas en nous disant qu'on l'est qu'on va progresser!

Alors cher Kevin, comment te dire? Rire grassement pendant tout le cours, lever la main pendant un quart d'heure pour être sûr que toute la classe va entendre la stupidité que tu prévois sciemment de dire, essayer d'attraper les filles en cours de sport, s'enfermer dans les vestiaires pour pas que le prof vous trouve et se mettre des mandales "pour rigoler", tu vois, je n'appelle pas ça ni de la maturité, ni du sérieux en vue d'une progression.
(on me souffle dans l'oreillette que certaines de ces accusations pourraient s'appliquer aussi à un public masculin plus âgé, mais je refuse de souscrire à de tels marques de désespoir).

Oui, c'est vrai, ils aiment bien êtes responsabilisés, être traités comme des grands. Mais pas des trop grands non plus.

Kevin: Madame, il faut mettre un petit chapeau sur le "u" dans "nous fûmes"?
Mme Mélu: Un quoi?
Kevin: Ben, un petit chapeau...
Mme Mélu: Tu parles de l'accent circonflexe?
Kevin: Oui, voilà.
Mme Mélu: Tu te rends compte que tu vas passer en seconde? Evite parler de "petit chapeau" devant des lycéens, on ne sait jamais... Au passage, oubliez aussi les "trois petits points". Ce sont des points de suspension, et ils ne sont pas plus petits que les autres!

Et oui, la maturité grammaticale, ça a aussi de l'importance.

Mme Mélu: "L'élève apprend son cours" / "Le cours est appris par l'élève". Il y a une phrase à la voix active, l'autre à la voix passive ...
Kevin: Madame, c'est pas comme avec le chat et la souris?
Mme Mélu: Si mais...
Kevin: Ah mais je connais en fait! "Le chat mange la souris"/"La souris est mangée par le chat".
Mme Mélu: J'aimerais autant qu'à deux semaines du brevet, on puisse se passer d'exemples pris dans des comptines enfantines.
Kevin: Ben c'est plus facile!
Mme Mélu: Déjà, non. Et en plus, c'est trompeur, car il existe des tas de situations bien moins faciles avec lesquelles il faut se familiariser. En grammaire aussi, il faut évoluer...
Benoit: Oh ça va, on n'est pas des pokémon...
Kevin: Ah ouais, moi je suis Pikachu!
Brenda: Moi, Dracaufeu!
Brian: Et moi, Bulbizarre! Bulbi, bulbi...

Je vous laisse imaginer la fin de ce cours qui a dégénéré en  onomatopées étranges.
J'imagine donc que mes élèves ont leur propre maturité. Leur propre définition de la chose, en tout cas. Ainsi, comme le dit très bien Kevin:

"Madame, quand on dit que les garçons sont meilleurs que les filles au foot, c'est pas du machisme. C'est juste de la maturité sportive!"
La maturité adolescente à l'échelle de toute une époque.

lundi 22 juin 2015

Lever de rideau!

La lecture, c'est aussi se fabriquer des images mentales, se représenter ce qui se passe dans le texte pour le comprendre. Certains élèves ont parfois du mal à cette opération, notamment sur les textes compliqués.
Une de mes stratégies pédagogiques de mauvaise prof, quand je suis confrontée à ça, consiste à mettre en scène le texte. A fortiori quand il s'agit d'un texte théâtral, sans narrateur ni description, donc qui nécessite un gros travail de remplissage.

Et parfois, je me mets à la place de l'assistant d'éducation (le fameux "pion") qui se balade dans les couloirs pendant les cours pour distribuer et récupérer des informations et qui arrive dans les cours au moment impromptu.

Mettons-nous à la place de Julie, assistante d'éducation zélée, qui ouvre la porte de Mme Mélu

Scène n°1: elle se trouve nez à nez avec le petit Thibaud, élève de 6ème, qui tient la petite Cécile par les cheveux, en levant au-dessus d'elle un stylo menaçant et en lui criant: "Tu vas mourir!"
Et Mme Mélu qui crie: "Attendez une minute!"

Julie se fige. Donne ses papiers, en récupère d'autres et avant de partir, regarde Thibaud, le stylo toujours levé au-dessus de Cécile, immobiles.
Mme Mélu: Tu tombes plutôt bien, nous étions en train de travailler sur la construction du suspens à la fin de Barbe-Bleue!
Et oui, le moment où les deux frères doivent arriver et où la malheureuse épouse doit gagner du temps avant que son mari ne l'égorge...

Mais j'avoue, hors contexte, ça peut surprendre.

Scène n°2: Julie passe dans la salle de Mme Mélu et entend un vacarme de tous les diables. Chocs métalliques, bruits de pas précipités, cris, ... Dans le doute, elle jette un oeil.
Des élèves debout en train de piétiner violemment. Deux se battent à coup de double décimètres. Un autre tape sur son équerre métallique avec un stylo. Les autres braillent. Et Mme Mélu, livre en main, suit attentivement ce bazar avant de s'écrie: "Mais qu'est-ce qui se passe ici??!!!", provoquant un silence de mort.

Puis elle demande: "Alors, qu'est-ce qui s'est passé?"
Jordan: "Ben ya eu de plus en plus de boucan, de plus en plus de bazar jusqu'à ce que vous parliez".
Mélu: "D'accord, et ça montre quoi?"
Bryan: "Bah qu'Othello, c'est le boss parce que tout le bazar s'arrête dès qu'il arrive".
Julie comprend alors que Mme Mélu était en train d'analyser avec ses élèves une scène de Shakespeare et notamment la construction de la tension dramatique sur scène. Avec une grande fidélité au texte puisqu'il s'agissait d'une bagarre entre ivrognes.

Sauf que moi, maintenant, j'ai pigé le truc. Les élèves adooooorent jouer ce genre de scène, d'une part parce qu'ils comprennent tout (+ 10 en pédagogie) et d'autres part parce qu'ils adorent cette occasion de mettre le souk avec la bénédiction de leur professeur en imaginant qu'une personne extérieure ne comprendrait rien.

Du coup, lorsque Julie rentre avec ses papiers en main, et cette fois juste après une scène de ce genre, je ne peux m'empêcher de dire à mes élèves avec un petit sourire entendu:
- Heureusement qu'elle n'est pas arrivée pendant les gifles, hein?
Julie furax: Quelles gifles? Qui a mis des gifles?
Elèves: Ben nous!
Julie: Mais à qui?
Elèves: Ben à la prof!
(prof qui jubile dans son coin devant le regard affolé de la pauvre Julie et ravie que les élèves aient saisi la balle au bond sans s'être consulté)
Mélu: c'est dans la scène 9,  acte II de "La Guerre de Troie n'aura pas lieu".

Oui, je suis une mauvaise prof. Avec mes collègues aussi.

lundi 15 juin 2015

Tourner sept fois sa langue...

Parfois, la parole de mes élèves dépasse un peu leur pensée.
Il faut y voir du positif : ils ont visiblement le contact facile avec leur professeur.

Mme Mélu: Et attention à respecter le contexte de votre rédaction. Dans l'Antiquité, il y a peu de chance de trouver un Brian...
Leslie: Oh! Brian? Comme mon c... Enfin mon.... Heu.. ben j'en connais un, moi, de Brian.
Mme Mélu: Oui, Leslie, je sais.
Leslie: Vous savez?
Mme Mélu: Oui, Leslie. Comme tout le monde, je crois d'ailleurs. Brian et toi n'êtes pas des... connaissances très discrètes.

Mais les petits 6ème ont aussi cet avantage qu'ils adoooooorent cafter. Genre des fois, c'est même pas une erreur.
Et en vie de classe, ça fuse. Et comme je suis une mauvaise prof, je les y encourage.

Jeanne-Marie: Et ya des grands, des fois, ils parlent vachement mal des surveillants..
Mme Mélu: Oui, le respect n'est pas la chose la plus partagée. D'ailleurs, j'ose espérer que le jour où vous entendrez des horreurs sur moi, vous me le direz? (clin d'oeil et sourire entendu?)
TOUS: C'est vrai??? Vous le prendrez pas mal???
Petit Fayot 1: Alors l'autre jour ya un 3ème qui a sorti son carnet pour montrer que vous lui aviez mis un mot et il a dit que vous étiez rien qu'une p***! Mais en même temps, yavait que des mots de vous dans son carnet alors il doit vraiment faire plein de bêtises en Français...
Petit Fayot 2 : Et aussi j'ai ramassé un petit mot que deux grands se faisaient passer où c'était écrit "Mme Mélu enc*** Mr Merlin, mais j'ai pas bien compris parce que normalement c'est pas possible, c'est l'inverse, non?
Petit Fayot 3: Et ya aussi un élève, il a fait une vidéo sur Youtube, et dedans il vous imite en train de lire! Mais c'est nul, il imite même pas bien...

Je me suis littéralement écroulée de rire.

Petite Fayote 4: Oh la la Madame, vous le prenez drôlement bien! Vous faites comment pour être zen comme ça?

Un métier, ma petite, c'est un métier.

mercredi 10 juin 2015

Ah, le joli mois de Juin...

Il y a longtemps que je n'ai pas râlé.
Bon, il faut dire qu'avec la réforme des collèges, j'ai pu râler en vrai.
Mais laissons de côté cela, pas de politique ici.
Nous ne signalerons donc pas que les conseils de classe de 3ème ont eu lieu le 1er juin.
Pour une année qui finit le 3 juillet, donc.

Je suis une mauvaise prof : mes élèves travaillent jusqu'au bout.
Parce que faut pas déconner: même avec la meilleure volonté du monde, personne ne finit le programme avec 1 MOIS d'avance. Non. Niet. Ca n'existe pas.

Donc, ils étudient ET sont évalués sur tous les points du programme, fermeture des serveurs ou pas d'abord.

Curieusement, ça se passe plutôt bien d'ailleurs. Ils doivent respecter mon professionnalisme à toute épreuve.


Tiens d'ailleurs, la fin du mois est tout aussi cohérente.
Lundi 22 juin: cours NORMALEMENT (oui, il faut redéfinir la notion de cours normal).
Mardi 23 juin: épreuves orales du brevet. COLLEGE FERME.
Mercredi 24 juin: préparation des épreuves écrites. COLLEGE FERME
Jeudi 25 et vendredi 26 juin: épreuves écrites du brevet. COLLEGE FERME
Lundi 29 juin: préparation des corrections. COLLEGE FERME
Mardi 30 juin: correction du brevet. COLLEGE FERME
Mercredi 1, jeudi 2 et vendredi 3 juillet: cours NORMALEMENT.

Oui, riez.

lundi 6 avril 2015

Le réalisme? Quésaco?

Une grosse partie de mon travail consiste à corriger les écrits de mes élèves. Vous me direz, lire des histoires qu'ils se sont donnés le mal d'écrire quand on est comme moi devenu prof de Français par amour de la lecture, ça doit être la partie que je préfère.

Ou pas.

Parce que les élèves ne sont pas des écrivains et souvent, font preuve d'un style un tantinet maladroit.
Quand ils ne négligent pas tout simplement la vraisemblance la plus basique.

Un type d'exercice, par exemple, consiste à leur demander de raconter un événement d'un livre étudié mais du point de vue d'un autre personnage de l'histoire. En l'occurrence, j'ai demandé à mes 3ème de réécrire la scène du mariage dans Un secret, le roman de Philippe Grimbert, où le marié tombe amoureux de la belle-soeur de sa promise au moment même de prononcer ses voeux. Ballot. Moment dramatique et gênant s'il en est.
Donc mes apprenants avaient pour consigne de raconter cet événement comme l'a vécu la belle-soeur en question.
J'ai donc été très surprise de rencontrer un grand nombre de copies commençant ainsi:

"Cher Journal, aujourd'hui j'ai vécu le plus beau jour de ma vie".
Bon.
Vous me direz, ils ont quinze ans, que peuvent-ils savoir du drame de tomber amoureux au moment où on lie sa vie et son destin à quelqu'un d'autre?

Alors expliquez-moi, lorsque je leur demande d'écrire un débat entre des parents et leurs enfants, pourquoi j'arrive à trouver ce genre d'échange improbable:

- Mais papa, t'es trop débile, tu comprends rien!
- C'est vrai, tu as raison mon fils.

Et non, ce n'était pas du second degré.

Et le pire, c'est que parfois, ils pensent vraiment bien faire. En voulant soigner les détails, voilà ce qu'ils arrivent à m'écrire:

Il était 20 heures 17 minutes et 34 secondes et nous passâmes à table.

Nan mais sérieux QUI chronomètre le moment où il passe à table?

Heureusement, certains ne perdent pas le nord dans leurs conclusions.

Ah, c'était intéressant ce débat! Bon, je te laisse, je dois filer en cours de Français avec Mme Mélu, j'aime trop ce cours, elle est super cette prof.

Bravo, Kevin, tu iras loin.

vendredi 27 mars 2015

Les jeunes, avant-garde et modernité... ou pas

Comme je suis une mauvaise prof, je fais parler mes élèves. Tous les lundi, je leur offre un quart d'heure d'expression libre, avec comme seule contraintes de s'exprimer correctement (et en Français, ce qui déjà relève de l'exploit pour certains) et de justifier leurs interventions (avec une priorité aux thèmes culturels).

Bon, ceci dit, parfois, je devrais peut-être pas, ça m'éviterait d'être déçue. Voire effarée.

Kevin: M'dame, ya eu la journée de la femme hier!
Jordan: Ah ouais, et le salon de l'auto à Genève aussi!
Mme Mélu: Intéressant de citer l'un juste après l'autre, non?
Kevin: Pourquoi? Ah ouais, pour les filles en bikini! Ben c'est normal, m'dame, les voitures c'est quand même un peu pour les hommes, non?"

Et oui, nous sommes en 2015.

Ceci dit, j'avoue, je suis une pousse-au-crime. J'aime amener mes élèves sur ce genre de sujets où je sais qu'ils seront tous hyper attentifs et encore mieux, hyper réactifs. Généralement ceux où il y a du sang, du sexe, ou les deux. Ouais, je sais, c'est la solution de facilité.

Comme par exemple, quand je présente Arthur Rimbaud, et où je les accroche avec sa relation avec Verlaine, juste histoire de voir si l'un d'eux va faire une remarque sur l'homosexualité (et histoire de faire un petit rappel sur la notion de discrimination, d'homophobie, toussa toussa, parce que des préjugés, dans les classes, yen a à la pelle).

Kevin: Oh mais m'dame, il avait 17 ans Rimbaud?
Mme Mélu: Et oui!
Kevin: Et Verlaine, marié avec des gosses et tout? Mais comment c'est trop un cougar!"

Quelque part, là, c'est rassurant, non?

lundi 26 janvier 2015

La grammaire est une chanson douce... en yaourt

Bon, je vous l'accorde, la grammaire a ce défaut de vouloir mettre quelque chose de technique dans une langue qui relève pour beaucoup de l'intuitif. Ça perturbe.
Mais genre, ça perturbe beaucoup.

Pour ceux dont les souvenirs scolaires remontent un peu loin, les mots de la langue française sont répartis en "classes", ou selon leur "nature" (ça dépend si vous êtes passés avant ou après la réforme, enfin UNE des réformes... eeeeeennfin bref!).
Par exemple,  "lui", "le mien", "celui-ci" sont tous des mots qui peuvent servir à remplacer "mon Bescherelle" qui est un nom (propre, d'ailleurs). On les appelle donc des pro-noms.
Et suivant leur sens, on les distingue en pronoms possessifs ("le mien" à moi), pronoms démonstratifs ("celui-là" là-bas que je te montre du doigt), etc etc... (rendez-vous demain à 7h55 en salle 15 avec votre classeur pour la suite).

Alors pronom, Kevin, il a à peu près intégré. Par contre, les subtilités de ses usages... ben ça sert à tout un pronom, non?

"Véritable: pronom de vérité".
" Douceur: pronom de genre".

Sur un malentendu... C'est vrai, les pronoms, c'est comme les déterminants, yen a tout plein. Alors, à quoi bon tous les apprendre? On en chope un et au bout d'un moment, on finira bien par tomber dessus.

La conjugaison aussi, ça perturbe. Les élèves savent très bien qu'on utilise le présent pour maintenant, le passé pour avant, et le futur pour après. C'est la base. Trop facile m'dame.
Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai. Exemple typique: vous êtes en train de glander sur Facebook traiter vos mails professionnels en attente et votre mère/père/tendre moitié vous crie depuis la cuisine: "A table!" A quoi vous répondez immanquablement "J'arrive!!!"
Et ce verbe "J'arrive", pourtant conjugué dans le présent le plus traditionnel, vous savez très bien qu'il veut dire "Dans cinq minutes/Un quart d'heure/Jamais, fous-moi la paix".

DONC on apprend aux élèves à dissocier ces valeurs d'un même temps, à avoir un regard critique sur leur propre langue et ses subtilités.
Ce qui les amène, dans un souci d'affiner l'analyse, à se mélanger sacrément les pinceaux:

"Le verbe est conjugué au passé simple, c'est donc du présent de narration".
"C'est du conditionnel, utilisé pour le présent dans le futur".

Vertige temporel, bonjour....

lundi 19 janvier 2015

Explication de texte

Les élèves sont pleins de bonnes intentions. Ils essayent toujours d'être les plus clairs possible pour être surs que leur prof chéri les comprenne au mieux. Il faut dire qu'on passe notre temps à leur reprocher de ne pas être assez précis.
Je suis une mauvaise prof: non seulement je n'aime pas quand mes élèves ne sont pas assez clairs, mais je n'aime pas non plus quand ils le sont trop.

"Et le héros fut tué par le fantôme. Depuis ce jour, toute personne faisant cette erreur sera tué par le nouveau fantôme (parce que l'ancien a pris sa retraite)."

Il fallait bien une raison au changement de hantise.

"Cela se produisit à environ minuit (00 h 00)"

Nan parce que minuit, c'est pas forcément le même pour tout le monde, hein.

"Il  a choisi de commencer son autobiographie comme ça, car il y raconte son enfance jusqu'à adulte, en fait il passe de tout petit puis il passe directement grand alors que au début il est petit".

Mais si, c'est clair, enfin!

mercredi 14 janvier 2015

Liberté de s'exprimer, même n'importe comment!

Plus de trois mois sans faire la mauvaise prof. Il faut croire que j'ai eu un sursaut de vocation. Ou des scrupules (mouais, une grosse crise de fénéantise, surtout). 
Et puis il y a peu, je me suis rappelée que s'exprimer, parfois, c'est important. Alors je suis venue vous donner des nouvelles de Kevin. 

Kevin qui lui aussi a envie de s'exprimer. Bon, saluons l'initiative, même si parfois, on est décontenancé par sa créativité.

Mme Mélu: Et que fait cette femme, avec le bébé, et le corsage ouvert?
Kevin: Ah je sais! Elle fait le laitage!

Bon, me direz-vous, Kevin avait au moins cette fois-ci utilisé un mot qui existe.

Kevin: Et alors là, je l'ai fait sans aucun hésitage!
Oui, mais faut dire aussi qu'on leur montre pas vraiment l'exemple. Parce que des mots qui se ressemblent beaucoup et qui coexistent tranquillement, ça ne devrait surprendre personne.

Kevin : Ben, madame, quand le bateau coule, on monte bien sur un canoë de sauvetage!
Bon, il faut dire que la réalité que recouvrent ces paronymes porte grandement à confusion.

Jérôme: Madame, il a écrit vachement penché au tableau, non?
Kevin: Ah ouais, il a écrit en italien!
J'avoue que j'ai eu un moment d'absence pour celle-là...



Bonne année 2015 à tous!