lundi 22 octobre 2012

A la pêche aux perles...

Je sens que mon Journal est mal barré... Soit les élèves des années précédentes étaient particulièrement en forme, soit ceux de cette année sont décidément avares de perles. Et pourtant, ce n'est pas faute de leur tendre des perches grosses comme des troncs de baobab. Et oui, je suis une mauvaise prof: je pousse les élèves au vice. Petit florilège de mes situations pousse-au-crime préférées:

Etude du roman naturaliste Thérèse Raquin, de Zola:
Mme Mélu qui lit Zola: "Sur la poitrine verdâtre, les côtes faisaient des bandes noires ; le flanc gauche, crevé, ouvert, se creusait au milieu de lambeaux d’un rouge sombre. Tout le torse pourrissait". (source)
Elèves : beeeeeeeeuuurk!
Mme Mélu: Un problème? Je continue la lecture?
Elèves: On y tient pas...


Etude de la pièce Le Médecin Volant, de Molière, plus précisément de la scène où le faux médecin Sganarelle se livre à une analyse d'urine de la patiente... Jugez donc:
Mme Mélu qui lit Molière: "Ne vous étonnez pas de cela ; les médecins, d'ordinaire, se contentent de la regarder ; mais moi, qui suis un médecin hors du commun, je l'avale, parce qu'avec le goût je discerne bien mieux la cause et les suites de la maladie. Mais, à vous dire la vérité, il y en avait trop peu pour asseoir un bon jugement : qu'on la fasse encore pisser. (source)" 
Elèves morts de rire: AAAAAAAAAH c'est dégoutaaaaaaaaant! 
Mme Mélu: Qu'est-ce qui vous fait rire? 
Elèves: il a dit "pisser"! Muahahahahaha! Ca se dit pas, c'est familier! 
Mme Mélu: très bien, relevez dans la suite du texte les autres mots familiers qui ressemblent à celui-là. 
Elèves: AAAAAAAAH il dit aussi "pisseuse"! et "potion pissative"!!

Objectif pédagogique: montrer que chez Molière, le langage vulgaire et le bas corporel servent à ridiculiser la médecine. Check!


Etude d'Othello de Shakespeare, plus précisément de la scène 5 de l'acte II où Cassio, sérieusement aviné, se met à frapper sur Montano le gouverneur de Chypre.
Mme Mélu: Quelqu'un prend le rôle de Cassio et quelqu'un s'occupe des bruitages! Kévin et Dylan, à vous!
Kévin lisant Shakespeare: "Le drôle ! Vouloir m’apprendre mon devoir ! Je vais battre ce drôle jusqu’à ce qu’il entre dans une bouteille d’osier." (source)
Mme Mélu: Kévin, il est saoul! Il faut que tu aies l'air saoul, un petit effort!
Kévin : ba je fais comment, m'dame??!!!
Mme Mélu: bon, on verra, continuons... Il frappe Roderigo: Dylan, le bruit!
Dylan: ba je fais quoi?
Mme Mélu: Frappe!
Dylan: mais je frappe quoi?
Mme Mélu: la table, la chaise, le sol, n'importe quoi!!!
Objectif pédagoqique: montrer que la scène se caractérise par une montée en tension soutenue par une montée du niveau sonore. Check!

Etude d'Un long Dimanche de fiançailles:
Mme Mélu qui lit Sébastien Japrisot: "L'explosion ne l'avait pas touché, seulement projeté en l'air de son souffle, mais quand il s'était relevé, il était couvert du sang d'un camarade, couvert tout entier de sang et de chairs qu'on ne pouvait plus reconnaître, il en avait jusque dans la bouche, il crachait l'horreur, il en hurlait"
Elèves : beeeeerk c'est dégueu!!! 
Tirage de langue, spasmes de vomissements, moues dégoûtés... Je regrette parfois de ne pas être un appareil photo.

Je vous garde leur réactions aux sous-entendus sexuels des textes pour une prochaine fois. Et oui, la littérature est loin d'être un chaste fleuve tranquille...

lundi 15 octobre 2012

Françaises, Français, mes chers compatriotes...



Entendez-vous la Marseillaise qui résonne? Et oui, le début du mois d'octobre sonne le moment pour nos élèves d'accomplir leur devoir citoyen en élisant leurs représentants, autrement dit les délégués de classe.
Tous les ans, c'est la même mascarade: Mme Mélu essaye d'être une bonne professeure en expliquant à ses 6ème le rôle démocratique essentiel d'un délégué de classe, eux pour qui le mot même de "délégué" sonne à peu près aussi clairement que "polyéthylène expansé" ou "anamorphose référentielle". Tous les ans on espère donc quelque chose comme ça:

Mais hélas, tous les ans, ils préfèrent élire celui-là:

Hé oui, l'élection des délégués se transforme souvent en une espèce de concours de popularité mettant sur un piédestal le clown de la classe. Ils s'en mordent souvent les doigts en mars en constatant que leur idole ne s'est pas pointé aux conseils de classe ou arrive aux heures de vie de classe un quart d'heure avant la fin rapport à son manque de mémoire et d'organisation combiné ses retards chroniques. Et là, je jubile...

Pourtant, j'ai vu des élèves mettre les petits plats dans les grands pour se faire élire, avec badge, affiches, tracts, etc... Certains regardent probablement trop les séries américaines.

Dans mon collège, l'élection des délégués est un moment important, sacralisé, pour lequel on met les élèves en véritable situation de scrutin: date limite de dépôt de candidature, présentation d'une carte d'électeur, isoloir, urne, signature, dépouillement.

Dans les faits, cela se traduit par : date limite de dépôt de candidature avec changement d'avis au moment d'entrer dans la salle d'étude (rebaptisée bureau de vote pour l'occasion), présentation du carnet de correspondance (qu'ils ont oublié dans le sac de sport), isoloir (dont le rideau qui ne descend qu'à 1 m au-dessus du sol s'avère bien inutile pour des petits bout d'chou), urne, signature, dépouillement.

Encore une fois, les questions fusent:
"M'dame, je peux voter pour moi-même?"
"M'dame, on met combien de papiers dans l'enveloppe?"
"M'dame, on écrit quoi pour signer?"
Touchant...
Evidemment, avec moi il y a toujours le problème des élèves non francophones...
"M'dame, je fais comment pour choisir mon papier? Je sais pas lire le français..."
J'oublie trop souvent qu'à l'est de l'Allemagne, ils n'ont pas le même alphabet...

Une fois les héros du jour élus, la question de l'après se pose: la vie scolaire leur prévoit toujours un moment de formation pour leur expliquer comment tenir leur rôle au mieux.

Pour les plus grands, on leur propose alors de se présenter à l'élection des délégués élève au Conseil d'Administration. Là encore, il leur est bien expliqué l'importance que les élèves soient représentés lors des prises de grandes décisions concernant le collège et son fonctionnement, qui est après tout un lieu de vie pour eux aussi.
Nos espoirs s'effondrent lorsque Kelly et Mohamed, fraîchement élus délégués de 4èmeC, viennent poser leur candidatures pour le Conseil d'Administration:
"Ben oui, m'dame, on a envie de goûter les petits fours..."
 Qui leur a parlé du pot après le Conseil???

On me souffle dans l'oreillette que Mohamed a retiré sa candidature en apprenant que le pot était essentiellement composé de jambon et de saucisson et que Kelly l'a imité parce qu'elle ne voulait pas rater Secret Story. La ferveur politique tient à peu de chose...

lundi 8 octobre 2012

Questions de contrôle

Evaluer les élèves est toujours un grand moment. Evaluer des 6ème en début d'année est carrément surréaliste. 
La semaine dernière, ils ont planché sur leur premier devoir bilan. L'occasion pour eux de se confronter à un devoir global, long et faisant appel à plusieurs connaissances et compétences. A commencer par la mise en condition et la lecture des consignes.

Un devoir bilan de Français se présente presque toujours de la même manière: un texte pour vérifier les compétences de lecture, des questions de cours d'ordre culturel et littéraire et des questions de langue (grammaire, conjugaison, orthographe). 

Et pendant les 55 minutes que dure le bilan (un contrôle, donc a priori à faire dans le silence), les questions fusent..

"M'dame, il dure toute l'heure, le contrôle?"
"M'dame, on prend une feuille simple ou double?"
"M'dame, ça fait quoi si j'ai pas de feuille double?"
"M'dame, on peut regarder dans le classeur?"
"M'dame, je peux écrire en violet?"
"M'dame, quand vous dites dans la question 1 "donnez deux preuves que ce texte est un conte", c'est de quel texte que vous parlez?"
"M'dame, faut le lire, le texte?"
"M'dame, on peut regarder dans le dictionnaire pour la question d'orthographe?"
"M'dame, on a toute l'heure pour le contrôle?"
"M'dame, j'ai pas compris la question 5: c'est quoi le schéma narratif? C'était dans le cours mais j'me rappelle pas..."
"M'dame, quand vous dites à la question 3 "recopiez la bonne réponse sur votre copie", on l'entoure bien sur la feuille du sujet?"
"M'dame, ça fait quoi si on répond pas aux questions?"
"M'dame, ça dure toute l'heure le contrôle?"

Et pendant ce temps-là, je souffre pour les pauvres élèves normaux (et oui, il y en a) qui, d'un air inquiet, lèvent enfin une main pour demander:

"M'dame, si on a pas de question, est-ce qu'on peut le commencer, le contrôle?"
Et quand au bout d'environ 45 minutes et un nombre incalculable de "M'dame, quand on a fini, on fait quoi???", j'ai enfin un peu de calme pour commencer à regarder le paquet de copie de l'autre classe ramassé à l'heure précédente, mon moral est de nouveau mis à rude épreuve:

1°) Qui est l'auteur de ce texte? Que savez-vous sur lui?
C'est Charles Perrault. Je sais qu'il est auteur.

lundi 1 octobre 2012

Reprenons tout depuis le tout début

Il y a quelque chose qui me surprend toujours avec les débuts des sixième: c'est qu'il faut tout leur apprendre. Vraiment tout. Je me rappelle assez facilement qu'il faut leur apprendre à ne pas ranger leur classeur toute les dix minutes ou à ne pas sortir l'intégralité de leur sac sur le bureau à chaque cours. Mais pour certains, il faut même leur (ré)apprendre à se servir d'une feuille et d'un stylo. Dans les premiers paquets de copie que je ramasse, je tombe immanquablement au moins une fois sur ça:


Et oui, la marge à gauche, c'est loin d'être une évidence pour tout le monde.

Mais cette année, j'ai eu pire.

A la fin d'une séquence, je distribue aux élèves un petit papier avec la liste des points à revoir pour le contrôle. Et pour gagner un peu de papier (je suis une prof écolo), je leur propose de le coller tout simplement à la suite du dernier cours.
Soudain, c'est le drame!
"Madaaaaaaame, j'ai plus de place sur ma feuille!!!"


"Et bien, retourne-la".

"Hein? Comme ça m'dame?"