lundi 25 avril 2016

Les priorités parentales

Je le dis souvent: nos pires interlocuteurs, ce ne sont pas toujours nos élèves. La plupart du temps, ce sont les parents.
Je ne parle pas ici des parents dits "démissionnaires" qui ont clairement autre chose à faire que de s'occuper de leurs gamins. Non, je parle des parents procéduriers, qui sont toujours sur notre dos, en faisant passer leur petit intérêt personnel par-dessus les règles élémentaires du vivre ensemble et de l'enseignement collectif.
Mme Viviane, principale du collège: Suite à des débordements et de plaintes de riverains, nous envisageons de modifier le régime de sortie. Désormais, un élève qui a fini les cours plus tôt ne pourra plus sortir du collège même s'il est autorisé, les parents devront venir le chercher dans le collège.
Parent d'élève: Je m'oppose! C'est injuste! Pour une poignée d'élèves perturbateurs, vous allez punir tout le collège et imposer aux parents quelque chose de très contraignant: se garer et rentrer dans le collège. 
Donc dans la balance: la sécurité des élèves et des riverains contre le confort des parents. Devinez qui gagne.

Ou ceux qui retirent (oui: retirent) leur fille du cours de Français : 
"Nous apprenons avec stupéfaction que l'école républicaine ose faire étudier à ses élèves les textes de la Bible et du Coran alors que la loi même dit que l'enseignement n'est assuré que par du personnel laïc"
Sérieux les mecs, dénoncez-vous! QUI n'est pas laïc en salle des profs, hein, qui? Qui a osé??? 

Ou les experts du retournement de situation:
"Mon fils s'est blessé en escaladant le grillage pour rentrer dans le lycée. Je le dépose toujours derrière le lycée pour gagner du temps, or les trous dans le grillage ont été réparés, d'où son retard et sa blessure. C'est honteux!"
Inutile de vous préciser que ce ne sont pas les profs qui ont pratiqué des trous dans le grillage...

Et le grand classique de cette année:
"Comment ça, vous annulez le voyage à Londres? Mais quel état d'urgence? Des attentats? Mais on s'en fiche des attentats, vous ne pouvez pas annuler le voyage de nos enfants, vous leur refusez une opportunité unique!"
Alors que la trouille du prof qui engage sa responsabilité pénale auprès de 150 gamins qui ne sont pas les siens à l'étranger en contexte de guerre terroriste internationale, ça, on s'en tamponne le coquillard...

Et après, ils s'insurgent parce qu'ils ne sont pas conviés à la fête de la musique ou au carnaval du collège. Mais on a de bonnes raisons de ne pas vouloir d'eux dans nos pattes. On s'occupe déjà de leurs enfants.
Qui, eux, sont sages.

lundi 18 avril 2016

Parce qu'à côté de Kevin, ils existent...

Pour les 4ème qui restent à la fin du cours pour que je commence l'exercice avec eux pour être sûrs d'avoir bien compris.

Pour les 5ème qui ont trouvé que "il était trop bien, le livre, madame!"

Pour les 3ème qui ont assuré sur Othello (nan mais Othello quoi! C'est pas Oui-Oui, on est d'accord!) devant l'inspecteur et qui se sont même plaints que quand même, il arrêtait pas de parler l'inspecteur, "on arrivait pas à suivre!"

Pour les 6ème qui se bagarrent pour aller en soutien parce qu'ils veulent qu'on leur réexplique la leçon, ils sont pas bien sûrs...

Pour les 5ème qui, lorsque je leur demande "ça vous a paru difficile, l'analyse littéraire qu'on vient de faire?" répondent "oh ben non madame, c'était évident!"

Pour les 4ème qui noircissent leurs pages après que je leur ai dit "Vous pouvez prendre des notes, si vous voulez, pendant que je vous explique, mais c'est pas obligatoire pour le moment"

Pour les 5ème qui demandent si "Vous pouvez nous photocopier la même feuille de révisions que pour les 4ème? C'est pas notre programme, on remplira pas tout mais ça nous aidera déjà bien!"

Pour les 4ème qui après avoir écouté et appliqué la méthode de grammaire lâchent un tonitruant "Ah mais j'ai compriiiiiiiis! En fait c'est faciiiiiiiiile!"

Pour toutes les fois où Kevin, miraculeusement extirpé brièvement des tréfonds de son hébétude, fait une parfaite analyse grammaticale et où son visage s'éclaire subitement comme touché par la grâce.

Pour les 6ème qui lèvent tous la main à s'en déboiter l'épaule quand je demande "Il me faut un volontaire pour......." sans avoir précisé pour quoi c'était.

Pour les 6ème qui m'ont fait un diplôme de "la prof la mieux habillée et à la plus belle manucure" (AH AH! quand je vous dis qu'une apparence soignée est un outil pédagogique imparable).

Pour les 3ème qui m'ont offert une carte musicale et des petits mots quand j'ai quitté l'établissement.

Pour les 6ème qui ont insisté pour que je me mette avec eux sur la photo de classe et qui ont même demandé à ce que j'aille chercher leur assistante d'éducation référente en vie scolaire pour qu'elle y soit aussi.

Je me plains beaucoup d'eux, comme nous tous mais il faut quand même le rappeler: entre le rectorat, les réformes, les inspecteurs, les chefs, les parents (oui, les parents, on en reparlera...), le plus facile et le plus agréable dans notre boulot, ça reste nos élèves.

lundi 11 avril 2016

Souci de clarté

Un élève, en règle général, ça parle son propre langage. Alors forcément, dans les copies, ils ressentent parfois le besoin d'être explicite. Pour être sûr que le prof, cet être d'un autre âge et d'un autre monde, les comprenne correctement.

Ma soeur, je préfère quand elle me balance pas! (balancer = tout dire aux parents).

Novlangue d'élève, bien sûr...

Donc la mouette pond un oeuf et meurt. Mais avant ça, elle confie l'oeuf au chat et lui fait promettre d'apprendre à voler à la mouette, mais l'autre, la vivante

Oui parce que faire voler une mouette morte, c'est pas la même histoire...

lundi 4 avril 2016

Le sens des réalités #2

Ah les rédactions... Ces doux moment où tu entrouvres la porte du monde de tes élèves pour mieux comprendre que oui, décidément, ils ont une vision des choses bien distordue.

Comme par exemple ces textes poétiques de 4ème où je leur demandais de se prêter à l'exercice de la comparaison.Je m'attendais à de la platitude, mais pas à ce point.

Tu es belle comme une Ferrari

Elle appréciera sûrement. Au moins autant que la suivante:

Tu es douce comme un dauphin.

Il faut dire que je suis une mauvaise prof. Je leur donne des sujets de rédaction qui les oblige à faire preuve de ... cohérence et de logique (à défaut d'imagination). Comme pendant cette séquence de 5ème sur la robinsonnade (qu'on appellera devant eux "récit de survie"pour éviter la ringarditude), où ils devaient se mettre en scène eux-mêmes, perdus en forêt, à la nuit tombée, sans portable (sinon c'est de la triche) et chercher à rédiger une histoire CREDIBLE.
J'ai donc croisé, sans distinction:
- un héros surhumain qui affronte à main nue un sanglier sauvage assoiffé de sang:
- un Usain Bolt en herbe qui rattrape à la course un lièvre, l'attrape, le tue et le mange, hop, comme ça sans autre commentaire.
- un groupe de motard décidément bien malchanceux puisqu'ils tombent tous en panne en même temps, c'est ballot.
- une voiture étonnamment équipée de sandwich, piles, couverture de survie, j'en passe et des meilleures.

Quand je pense que j'ai encore le tas de rédaction sur Molière à corriger, je prends une graaaaande inspiration....